Dieu, la science, les preuves - Le livre de Bolloré & Bonnassies


Une critique du livre - Novembre 2021



REFLEXION
     Patrick Vauclair, réalisateur, apologète ... >


Il y a quelques mois déjà aux Etats Unis, un livre à succès titrait "Le retour de l'hypothèse Dieu - Trois découvertes scientifiques qui révèlent l'intelligence derrière l'univers". Cette fois c'est en France qu'un pavé de plus de 500 pages aborde à son tour la question. Publié par deux fervents catholiques, ingénieurs de surcroît, cet ouvrage pourrait bien être un des révélateurs de la quête de l'homme d'aujourd'hui.
Patrick Vauclair en fait la critique.


10 Novembre 2021    -  1 214  





Un titre accrocheur - une publicité rondement menée. Il n'en fallait pas davantage pour titiller ma curiosité !
C'est donc avec un intérêt réel que j'ai avalé les 570 pages traitant d'un sujet que je connais un peu, puisque je l'aborde depuis des années au travers de conférences, et séries de vidéos et émissions TV.


La préface donne le ton.
Préface rédigée par Robert Wilson, prix Nobel de physique 1978 et codécouvreur du rayonnement de fond cosmologique (un des arguments en faveur du modèle du Big Bang). Le physicien déclare sans ambages "ce livre est une très bonne présentation du développement de la théorie du Big Bang et de son impact sur nos croyances et notre représentation du monde". Nous voici avertis - on va manger du Big Bang. Et c'est effectivement l'argument essentiel du livre.
Curieusement, toujours dans la préface, le même scientifique ajoute que la théorie du Big Bang présente tout de même deux gros problèmes ! Ah bon ?!
Il rappelle, pour ceux qui n'étaient pas (encore) au courant, que "nous ne connaissons que 4% de la matière et de l'énergie de l'univers" !
Ah zut alors, effectivement il y a un "léger" problème avec ce que prédit la théorie !
Ce qui oblige selon ce physicien, à supposer qu'il doit exister 26 % de "matière noire" et 70 % "d'énergie noire". Et bien sûr personne n'a la moindre idée de ce que sont ces 2 ingrédients mystérieux et invisibles prévus par "le modèle". Et comme si cela ne suffisait pas, il rappelle qu'une des phases capitales de l'expansion prévues par le modèle du Big-Bang, phase que les spécialistes appellent l'inflation, suppose une nouvelle physique qui "n'est soutenue par aucune autre observation"… ce qui lui permet de conclure quelques lignes plus bas que, selon lui, la question de l'origine de l'univers n'est pas vraiment compréhensible.
Alors c'est sûr, la théorie du Big Bang a un très gros problème, et pour une fois ce n'est pas moi qui le dis !

Surprenant n'est-ce pas ? J'avoue m'être demandé si j'avais bien lu.
La préface de ce Nobel, annoncée en couverture, était supposée appuyer l'argument central, la "preuve" capitale - et voilà que ce scientifique lui-même nous dit en substance que cette "preuve" est plutôt chancelante.
Ma curiosité en a été d'autant attisée.


Un livre bien structuré.
Le livre se présente de façon bien structurée en 23 chapitres et de nombreux sous-chapitres, une conclusion et des annexes. Même ceux qui ne liront que le début auront l'essentiel de l'argumentation, à savoir que le Big Bang est censé démontrer que l'univers a eu un commencement, donc un Créateur.
Le style se veut pédagogique et cherche à s'assurer que tout le monde comprend bien la fameuse théorie, le "modèle standard", en exposant ses diverses facettes. La description minutieuse des phases de la "grande explosion", depuis le mystérieux instant de Planck, jusqu'à l'époque actuelle en passant par la formation de la matière et des étoiles, est rédigée en détail - donnant parfois l'impression que les auteurs veulent absolument emporter notre conviction en nous bombardant de dizaines de pages descriptives ! Après les doutes instillés par la Préface, c'est sûr qu'il valait mieux essayer d'être convaincant.

Pour faire montre d'une apparente neutralité, les auteurs donnent même la parole aux opposants - à la multitude de modèles "alternatifs" au Big Bang. Evidemment toutes les autres théories sont balayées d'un trait de plume. A titre personnel, je ne peux pourtant m'empêcher de penser que si tellement d'autres explications ont été - et sont toujours - recherchées, ce n'est peut-être pas uniquement parce que certains scientifiques refusent l'existence d'un Créateur - mais peut-être aussi parce que la théorie du Big Bang elle-même pose de si gros problèmes qu'elle est très loin d'être satisfaisante, d'un strict point de vue scientifique.


Une aversion pour les "fondamentalistes".
J'ai oublié de mentionner l'anathème à peine voilé prononcé dans l'avant-propos - je cite :
"Notre souci était… d'éviter deux écueils de notre époque : D'un côté celui des créationnistes qui récusent les découvertes modernes et adhèrent à des croyances fantaisistes ; de l'autre celui des matérialistes …". Ainsi donc, qu'on se le dise, les "créationnistes" (ceux qui croient littéralement au récit biblique des origines) sont des anti-scientifiques qui se réfugient dans des illusions. Avec une telle "mise en garde", le lecteur est évidemment "épargné" d'avoir à examiner les arguments de ces horribles "fondamentalistes". Habile tour de passe-passe ! Et puis en même temps, cela pose d'emblée une certaine "distance de sécurité" avec le récit biblique lui-même. Il ne saurait être question de se commettre en prenant le récit de la Genèse au pied de la lettre ! Il vaut mieux s'appuyer sur des théories remises en question par ceux-là même qui les appuient. Ça va de soi.


Quelques remarques.
Les chapitres abordent successivement l'historique des découvertes, tout en nous expliquant ce qu'est une preuve et ce qui n'en est pas une, puis l'argument de "la mort thermique de l'univers", et consacre ensuite une centaine de pages au Big Bang proprement dit. Il passe ensuite au "Fine Tuning" (principe anthropique) puis s'intéresse rapidement à la biologie - avant de consacrer 70 pages à des citations des "grands savants", incluant Einstein et Gödel avec son fameux théorème d'incomplétude.
La seconde moitié de l'ouvrage est consacrée aux preuves "hors science", à la Bible, Jésus, les juifs - et - point d'orgue - au miracle de Fatima.

Il m'est impossible de reprendre ici en détail les nombreuses questions / remarques soulevées sur chacun des sujets abordés. Je me contenterai donc de quelques commentaires qu'il m'est impossible de ne pas faire.

- La mort thermique de l'univers est un argument effectivement imparable montrant que l'univers a obligatoirement eu un commencement. Sinon, vu qu'il se refroidit et voit son entropie augmenter (second principe de la thermodynamique), s'il était éternel, il serait glacial et à son maximum de désordre depuis longtemps. Ce qui n'est pas le cas. Très bien.

- Le Big Bang est le modèle adopté aujourd'hui par une majorité de scientifiques. Ce qui évidemment ne prouve rien. C'est un modèle qui tente d'expliquer certaines observations (dont le red shift) dans une théorie cohérente et qui fait appel à la théorie de la relativité générale. Mais personne n'ayant pu observer le Big Bang, et vu qu'il est impossible à reproduire pour le tester, il est condamné à demeurer au rang des théories. Par ailleurs il fait totalement l'impasse sur plusieurs "détails", comme la capacité du Créateur à créer en un instant l'univers tel que nous le percevons, ou la possibilité que les fameuses "constantes" aient varié, comme par exemple la vitesse de la lumière… Bref, comme toute théorie, celle-ci repose sur un corpus de "présupposés" invérifiables. Il aurait été plus qu'utile de le rappeler.

- Le chapitre sur la biologie est intéressant - bien qu'incomplet et même contradictoire à certains moments. En effet l'auteur met en évidence l'impossibilité de passer de l'inerte au vivant, en s'appuyant sur la génétique et la microbiologie. Donc en se tenant aux seules lois de la biologie, il est totalement impossible que des atomes et des molécules se combinent par hasard pour former un brin d'ADN ou une cellule vivante. Mais un peu plus loin il attribue pourtant ce passage de l'inanimé au vivant par le "réglage des lois de la biologie" ou emploie la formule "ce que la nature a accompli par elle-même" (p. 238). Il faudrait tout de même que les auteurs décident si c'est possible que ça se produise tout seul - ou pas ! Incompréhensible pour ma petite tête de lecteur moyen. Peut-être que la raison est juste de vouloir éviter une intervention miraculeuse et directe du Créateur (comme celle mentionnée en Genèse 2:7).
Plus loin, page 247, il est question de l'ancêtre commun à tous les vivants : un organisme unicellulaire (LUCA) et page 346, dans le chapitre traitant de la véracité de la Bible, il est fait mention "d'un couple d'aïeux pour toute l'humanité". Donc tout le monde devrait être satisfait par ce subtil numéro d'équilibriste. Sauf que le couple en question est daté par la biologie moléculaire à moins de 10 000 ans - mais ça, le livre ne le dit pas - au contraire page 367 je lis "Pour tout le monde et sans discussion (sic !) la réponse est que l'homo Sapiens que nous sommes (dont la date d'apparition est estimée à 300 000 ans) descend de l'Homo erectus…".
Justement - et c'est un des problèmes récurrents du livre - il y a effectivement ici comme ailleurs "discussion", et même une très grosse discussion ! Dommage de ne pas l'avoir mentionné. Toujours au même chapitre, il est encore bien dommage de ne pas trouver de mention claire de l'entropie génétique et du fait qu'elle démonte complètement le supposé mécanisme de l'évolution (mutation / sélection). L'entropie génétique est par ailleurs totalement en phase avec le récit de la Genèse (chute, mort, déchéance). Mais c'est peut-être un peu trop révolutionnaire pour être abordé dans un ouvrage qui veut rallier les suffrages du grand public abreuvé de darwinisme.

- Par ailleurs l'archéologie biblique est à peine citée, alors que ses avancées nous permettent de remonter de plus en plus loin et on peut montrer aujourd'hui par diverses approches que le déluge mondial a été un événement historique qui a laissé des traces palpables, que l'épisode de la Tour de Babel n'est pas un mythe mais un épisode bien réel de l'histoire humaine, tout comme l'Exode hors d'Egypte et bien d'autres récits.
Page 372 "Les chrétiens fondamentalistes appartenant le plus souvent aux églises évangéliques, se lancent par exemple à la recherche de vestiges bibliques… sur le mont Ararat pour retrouver la trace de l'Arche de Noé". Et bim !
Et toute la suite du chapitre est sur cette ligne… Page 379 il est expliqué de façon réitérée que la réalité historique des récits bibliques est "sans importance" !
Acceptez simplement que la Bible veut dire autre chose que ce qu'elle dit - puisqu'on vous le dit…
Les auteurs auraient gagné à faire preuve d'humilité et à mieux se renseigner, ils auraient découvert les traces du déluge mondial, de l'épisode tragique de la tour de Babel, de l'Exode miraculeux hors d'Egypte et bien d'autres prodiges totalement surnaturels à la gloire du Créateur. Comme auteur d'une série d'émissions d'Archéologie biblique j'aurais beaucoup à dire à ce sujet.

- La géologie, la géophysique, la linguistique, l'anthropologie, la neurobiologie - et pourquoi pas, les citations de centaines de scientifiques croyant au récit biblique - auraient pu être appelés à la barre. Mais cela n'aurait pas servi l'objectif des auteurs.


L'objectif, justement. Quel est-il ?
Page 27 je lis "nous tenons à préciser que n'avons ni le désir, ni l'ambition de militer pour une religion".
Autant je trouve louable l'effort de démontrer l'existence de Dieu, autant j'ai un peu de mal avec le faux nez qui consiste à déclarer ne vouloir militer pour aucune religion - alors que le seul miracle rapporté comme une preuve de l'existence de Dieu, est celui des apparitions de Fatima (le soleil qui danse, comme annoncé à des enfants par "la Sainte Vierge") !
Il est difficile de nier qu'il s'agit typiquement d'un "miracle catholique" et pas du tout d'un miracle biblique.
En effet quel rapport entre l'existence de Dieu et l'annonce prémonitoire d'un phénomène bizarre par une entité se faisant appeler "la Vierge". Qui est donc cette "Sainte Vierge" ? A-t-elle vraiment un rapport avec la femme juive appelée Myriam (Marie) qui a donné naissance à Jésus puis à ses frères et sœurs ? Vraie question, non abordée.
Quant au phénomène lui-même (le soleil qui danse), est-il vraiment de même nature que les miracles bibliques ? Après avoir nié la réalité historique des miracles du déluge ou de l'exode, n'est-ce pas faire preuve d'un certain "fondamentalisme catholique" que d'attribuer à Dieu un phénomène étrange que ni le Créateur, ni Jésus n'ont jamais ni annoncé, ni attesté - et qui n'ont fait que renforcer la foi en une entité appelée la Vierge ? La question ne mérite-t-elle pas d'être posée ? Pour conserver une approche "scientifique" ou tout simplement par honnêteté intellectuelle ?


Copie à revoir.
Donc oui, on peut montrer que l'existence de Dieu est une évidence, attestée de multiples manières. Oui, la Bible est effectivement un ouvrage totalement surnaturel, issu du Créateur et donné à l'humanité pour inviter chaque individu à se réconcilier avec Son Créateur. Mais il est bien dommage d'amputer la Bible de Ses fondements (la Torah, ou livres de Moïse) pour les remplacer par des spéculations, en se moquant au passage de ceux qui croient à la réalité du récit des origines. Je me permets de rappeler que parmi ces croyants "fondamentalistes" on doit citer tous les Prophètes bibliques, ainsi que Saint Pierre, Saint Paul… et le Seigneur Jésus Lui-Même.

Sans vouloir répondre davantage aux attaques offensantes de ce livre contre les "fondamentalistes" dont je fais partie, et tout en lui reconnaissant le mérite d'avoir attiré l'attention sur la réalité de l'existence du Créateur, je mesure la difficulté pour nos contemporains d'admettre la réalité historique miraculeuse du récit biblique.


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